L'axe constitué par les boulevards A. France et J. Kennedy est un pur produit de l'urbanisme des années 1960. S'il est aujourd'hui incontestablement une des voies structurantes de BELFORT, il manque singulièrement d'urbanité ; seule la rangée d'arbres centrale rappelle un peu que nous sommes en ville. Très peu d'activités sont tournées vers le boulevard, la pratique des circulations douces est désagréable et parfois dangereuse. Dans d'autres villes on appellerait cela une rocade. Large comme le périphérique parisien, mais utilisé par un nombre d'automobilistes stable et largement inférieur à sa capacité, ce boulevard d'opérette a besoin de se remettre en phase avec les quartiers traversés. Cela ne se décrète pas, mais se forge au cœur de l'identité, dans un travail tout à la fois sur l'axe et les rives.

Le ruban de 2 kilomètres traverse un monde qui n'est pas monocorde, uniforme. C'est une succession de 4 entités bien distinctes, ayant chacune sa personnalité propre. Notre proposition cherche à exhaler ces réalités dans une suite de situations contrastées. La qualité du parcours (3 - 5 minutes pour un automobiliste, une demi-heure pour le piéton) est déterminée par un enchaînement de paysages cohérents qui vont être décrits dans les pages qui suivent.

SECTION 1 - UN TRAVAIL LINEAIRE ET TRANSVERAL

Cette section de 600 mètres environ traverse un secteur tourné vers la formation ; il est encore largement en devenir. En second rideau sont localisés des évènements importants comme le Fort HATRY où la TECHNOPOLE. C'est dans cette section que la ville est la moins perceptible, car le bâti n'arrive pas à donner le change au boulevard.

Ce quartier des sciences et techniques doit s'organiser en réseau et pour cela, 3 points nous paraissent cruciaux :

> Le nouveau carrefour, point d'éclatement dans toutes les directions et pour tous les usagers.

> Le point haut du segment, que nous dotons d'un large passage piéton avec des feux tricolores commandés par les piétons et les cyclistes. Côté lycée s'offre alors la possibilité d'organiser une desserte beaucoup plus facile et efficace pour les automobilistes. Compte tenu du dénivelé, il est même possible de met-tre en scène un plateau d'accueil relié au boulevard par un emmarchement. En haut des marches et avant la grille pourrait aboutir un cheminement venant du Fort Hartry.

Côté Technopole, il faudrait travailler sur un cheminement direct et lisible ce qui, compte tenu de la disposition des bâtiments et des informations que nous possédons, n'est pas évident.

> Le carrefour avec l'Avenue du Maréchal Juin doit être un lieu de réduction de la vitesse. Il sera décrit dans la section 2.

Ce travail de connexions transversales enrichit le réaménagement longitudinal : les trottoirs sont élargis et pavés ; le terre-plein central est engazonné ; la plantation centrale est éclaircie, un arbre sur deux est supprimé afin de redonner de la vigueur à ceux restants.

SECTION 2 - LE FLEURISSEMENT DES CITES-JARDIN

De l’avenue du Mal Juin à l’avenue du Mal Leclerc, sur environ 600m, le boulevard Anatole France parcourt en ligne courbe puis en ligne droite un quartier de pavillons. En fait, on différencie sur ce parcours une sous-secton d’une longueur de 200m allant de l’avenue du Mal Juin à la rue Adrien Guidon : c’est le seul véritable secteur groupant des commerces du boulevard et il gagnerait à être pleinement requalifié.

Pour ralentir le flux de la circulation et pour restructurer la place J.B. Saget, nous regroupons les 4 voies de circulation à gauche de l’alignement d’arbres, nous interrompons le stationnement latéral et réduisons légèrement la largeur des voies. L’espace libéré sur la chaussée à droite de l’alignement d’arbres est réorganisé en contre-allée. Celle-ci est réservée au stationnement (54 places), on y accède par une ouverture en son milieu à hauteur de la rue Adrien Guidon. La piste cyclable avance dans la contre-allée, le long du trottoir. Elle est ici bidirectionnelle. Il y a là un ensemble réellement soudé à la place et aux commerces. La place J.B. Saget est globalement réunifiée, elle devient square.

Pour le reste, l’intervention est à minima : refaire le revêtement du trottoir, fleurir le terre-plein central de rosiers paysage. Pour ne pas avoir à déplacer les bordures, nous pourrions laisser la piste cyclable sur la chaussée, entre la bande de stationnement et le trottoir.

SECTION 3 - STRUCTURATION VEGETALE DU QUARTIER

Le boulevard Anatole France prend ici le nom de John Kennedy. Il traverse un quartier de logements sociaux, petits immeubles à quatre ou cinq étages. Nous nous trouvons dans la situation " classique " d’avoir à reconstituer du tissu urbain, à structurer l'espace public.

A droite et à gauche du boulevard, nous proposons de planter deux rangées supplémentaires de platanes dans la trame de stationnement (séquence 2 places, 1 arbre, …). Cette plantation se prolonge perpendiculairement, rue de Bruxelles et rue de Copenhague.

Le carrefour bd J. Kennedy, rue de Bruxelles et rue de Copenhague acquiert ainsi une solide assise. Il distribue largement en tous sens. Cela devrait favoriser la revalorisation du terrain vacant.

La rue de Bruxelles, autrefois simple passage piétonnier dans "la locomotive", devient une "vraie" rue.

La rue de Copenhague conduit fortement vers le grand parc départemental de la Douce, dont les entrées sont à l’heure actuelle trop discrètes. Ce carrefour est comme un point d’orgue dans la recomposition du tissu urbain.

Le terre-plein central du bd J. Kennedy est engazonné, la piste cyclable mise en pavés, à l'éclairage central nous ajoutons sur les trottoirs un éclairage bas : la ville reprend ses droits dans la dignité et de façon fort civile.

SECTION 4 - RESIDENTIALISER

De la rue de Monaco à la fin du boulevard, c’est la section la plus problématique. Il y a un grand déséquilibre entre à droite des grandes tours juchées sur la colline et à gauche en descendant une étendue à la fois peu perceptible et très diparate, un collège, un stade, un cimetière, un supermarché, etc... La place du Marché est en enrobé "pelé", le cimetière n’est pas tourné vers le boulevard...

Il faut à ce quartier un traitement de cheval. L’idée est de libérer un espace le long de la cité, en bordure du boulevard. Parrallèlement au processus de privatisation du pied des tours, on renforcerait là l’espace public. Ce serait à la fois un centre vital pour les habitants du quartier et une "vitrine" où l’on aurait envie de s’arrêter pour ceux qui ne font a priori que passer.

Nous proposons de basculer une seconde fois l’ensemble de la circulation routière à gauche de la rangée de platanes côté cimetière ; pas seulement pour réduire la vitesse de circulation des véhicules, mais aussi pour créer cet espace "à vivre"

A droite de la rangée d’arbres, nous constituons une contre-allée. Celle-ci pourrait héberger le marché ; à la fois directement accroché aux immeubles et en bordure de boulevard le plus souvent possible. Les jours ou "il ne se passe rien", la contre-allée deviendrait aire de stationnement.

Il reste à structurer ce qui est à gauche du boulevard. La place du Marché aux Résidences doit s’imaginer un autre devenir. Pour renforcer le secteur commercial adjacent, elle porrait accueillir l’Intermarché qui se sent actuellement trop à l’étroit rue de Budapest. Ou bien on pourrait retourner le cimetière sur le boulevard, en créant sur cette place un jardin du souvenir.

Nous le voyons, ce projet adopte successivement des usages très divers, car le travail pour réduire la largeur de la chaussée est l’occasion de faire émerger les identités des différents secteurs traversés, de faire la greffe qui jusqu’à présent n’avait pas pris entre le boulevard et les quartiers qu’il parcourt. C’est l’occasion de mettre en forme combien, dans une esthétique claire, la ville peut être riche en identité et en diversité, être un lieu de civilité et d’humanité, combien on peut y vivre et y respirer.

L’effort financier n’est pas réparti de façon égale entre les différentes sections. En effet, ce travail conduit n’est pas de même consistance partout : la section 1 est une section en devenir, la 2 est la plus simple à aménager. L’accent est mis sur les sections 3 et 4 qui sont les plus densément habitées.

Notre proposition offre une grande souplesse de réalisation, chaque section est quasiment autonome et peut être réalisée de façon indépendante. Mais de même que les actes d’une pièce de théâtre s’enchaînent et que la pièce perdrait son sens si on la privait d’un de ses actes, les sections s’inscrivent dans un continuum qu’il serait contraire à l’esprit du projet de rompre.